Overview
La Cybersécurité au Sénégal et en Afrique

La Cybersécurité au Sénégal et en Afrique

October 4, 2025
18 min read
index

Dans le contexte de la transformation numérique accélérée que connaît l’Afrique, le Sénégal se trouve à la croisée des chemins entre opportunités technologiques et vulnérabilités cybernétiques. Avec plus de 10 millions de cybermenaces détectées en 2024 selon les données de Kaspersky, la question de la cybersécurité s’impose comme un enjeu stratégique majeur pour la souveraineté numérique du pays et du continent. Cette recherche examine l’écosystème complexe de la cybersécurité sénégalaise et africaine, en analysant les menaces émergentes, les défaillances structurelles, et les réponses institutionnelles face à une criminalité numérique qui coûte déjà plus de 3 milliards de dollars à l’Afrique entre 2019 et 2025. L’analyse révèle que malgré l’existence d’un cadre juridique pionnier avec la loi de 2008 sur la cybercriminalité et la Stratégie Nationale de Cybersécurité 2022, des lacunes critiques persistent dans l’implémentation opérationnelle et la coordination institutionnelle, nécessitant une approche holistique pour sécuriser l’avenir numérique du Sénégal.

Carte montrant les coûts économiques estimés de la cybercriminalité en millions à travers les principaux pays africains, notamment le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Nigeria, le Kenya et l’Afrique du Sud.

Contexte Numérique Africain et Enjeux Spécifiques au Sénégal

La Révolution Numérique Africaine : Opportunités et Vulnérabilités

L’Afrique connaît une transformation numérique sans précédent, caractérisée par une adoption massive des technologies mobiles et une intégration croissante des services numériques dans l’économie formelle et informelle. Les investissements dans les infrastructures numériques ont atteint près de 7 milliards de dollars en 2024 en Afrique subsaharienne, avec 60% de ces fonds dirigés vers les réseaux mobiles. Cette dynamique s’accompagne cependant d’une exposition accrue aux cybermenaces, l’Afrique enregistrant désormais le taux d’attaques cybernétiques hebdomadaires par organisation le plus élevé au monde.

La fracture numérique demeure un défi structurel majeur, avec des disparités importantes entre les pays côtiers mieux connectés et les nations enclavées. L’internet fixe à haut débit coûte environ 20% du revenu national brut par habitant en Afrique subsaharienne, contre moins de 6% dans les pays développés. Cette situation crée un environnement hétérogène où certains pays disposent d’infrastructures avancées mais vulnérables, tandis que d’autres peinent à établir les fondements de leur souveraineté numérique.

Le Sénégal dans l’Écosystème Numérique Régional

Le Sénégal s’est positionné comme un pionnier de la transformation numérique en Afrique de l’Ouest, avec l’adoption de la stratégie “Sénégal Numérique 2025” et de la “New deal Technologie”. Le pays bénéficie d’une infrastructure de télécommunications relativement développée et d’un secteur des paiements mobiles dynamique, avec plus de 80% des transactions financières passant désormais par des plateformes numériques comme Orange Money ou Wave.

Cette avancée technologique s’accompagne toutefois d’une exposition particulière aux cybermenaces. La croissance de 37% des cyberattaques en Afrique de l’Ouest en 2024 affecte directement les institutions financières et gouvernementales sénégalaises. L’écosystème numérique sénégalais se caractérise par une concentration urbaine des services avancés et une pénétration progressive vers les zones rurales, créant des points de vulnérabilité spécifiques.


Principales cybermenaces identifiées au Sénégal en 2024 selon les données de Kaspersky

État des Lieux de la Cybersécurité au Sénégal

Panorama Quantitatif des Cybermenaces

L’année 2024 marque un tournant critique pour la cybersécurité sénégalaise, avec une escalade sans précédent des incidents de sécurité informatique. Selon l’analyse détaillée de Kaspersky, plus de 10 millions de cybermenaces ont été identifiées et bloquées sur des entreprises sénégalaises, révélant l’ampleur du défi sécuritaire. La typologie des attaques révèle une sophistication croissante des cybercriminels, avec les attaques de bureau à distance dominant le paysage des menaces avec 600,668 tentatives d’intrusion.

Les exploits de vulnérabilités représentent le deuxième vecteur d’attaque le plus fréquent avec 293,089 incidents recensés, témoignant des failles persistantes dans les systèmes informatiques des organisations sénégalaises. Les vols de mots de passe, bien que moins nombreux avec 71,852 cas, restent préoccupants par leur impact sur la confidentialité des données personnelles et professionnelles. Cette diversification des vecteurs d’attaque illustre l’évolution tactique des cybercriminels qui exploitent de manière systématique les vulnérabilités techniques et humaines.

Secteurs Critiques et Vulnérabilités Spécifiques

Le secteur financier sénégalais constitue une cible privilégiée des cybercriminels, en raison de la digitalisation accélérée des services bancaires et de l’essor du mobile banking. L’écosystème des paiements mobiles, particulièrement développé au Sénégal, présente des surfaces d’attaque spécifiques que les criminels exploitent à travers des techniques de phishing sophistiquées. Les plateformes de paiement mobile concentrent une part significative des flux financiers nationaux, rendant leur sécurisation critique pour la stabilité économique du pays.

L’administration publique représente un autre secteur hautement vulnérable, comme l’illustre dramatiquement l’attaque récente contre la Direction Générale des Impôts et Domaines (DGID). Cette cyberattaque sans précédent a paralysé l’ensemble des services fiscaux pendant une semaine, démontrant la fragilité des infrastructures critiques d’État. Les cybercriminels, présumés basés en Europe, ont non seulement neutralisé les logiciels de gestion fiscale mais ont également divulgué des données internes pour exercer une pression maximale.

Le secteur privé n’est pas épargné, avec une étude de l’Observatoire de la Cybersécurité du Sénégal révélant que 75% des entreprises sénégalaises ont été touchées par des cyberattaques en 2024. Cette statistique alarmante inclut aussi bien les petites et moyennes entreprises que les multinationales opérant sur le territoire sénégalais, révélant la généralisation du risque cyber tous secteurs confondus.

Évolution croissante du coût économique des cyberattaques en Afrique selon les estimations d’Interpol

Analyse des Cyberattaques Majeures et de Leurs Impacts

L’Attaque contre la DGID : Un Cas d’École Critique

L’attaque contre la Direction Générale des Impôts et Domaines du Sénégal en octobre 2025 constitue l’incident de cybersécurité le plus grave de l’histoire moderne du pays. Le groupe de hackers “Black Shrantac” revendique le vol d’un téraoctet de données sensibles, incluant des informations fiscales et financières critiques pour l’État sénégalais. Cette cyberattaque illustre parfaitement les vulnérabilités structurelles des infrastructures numériques gouvernementales et leurs conséquences sur la continuité des services publics.

L’impact opérationnel de cette attaque dépasse la simple interruption de service. La paralysie des systèmes de gestion fiscale a provoqué un arrêt brutal des flux financiers publics, suspendant le recouvrement des recettes et gelant les ordres de paiement de l’État. Cette situation révèle la dépendance critique des fonctions régaliennes aux infrastructures numériques et l’effet domino qu’une cyberattaque peut avoir sur l’ensemble de l’économie nationale. La demande de rançon de 10 millions d’euros (6,5 milliards de FCFA) témoigne de l’audace croissante des cybercriminels qui ciblent délibérément les institutions d’État.

La dimension géopolitique de cette attaque ne peut être ignorée. Les cybercriminels, présumés basés en Europe, ont démontré leur capacité à opérer à distance sur des infrastructures critiques africaines, soulevant des questions fondamentales sur la souveraineté numérique et la protection des données gouvernementales. La divulgation publique de certaines données internes sur le dark web constitue une escalade dans les techniques de pression et d’humiliation des institutions publiques.

Typologie des Menaces et Évolution Tactique

L’analyse des incidents de cybersécurité au Sénégal révèle une évolution qualitative et quantitative des menaces. Les ransomwares dominent le paysage des cyberattaques avec une prévalence particulière dans les secteurs stratégiques, suivant les tendances mondiales où le coût moyen d’une attaque par ransomware atteint 5,13 millions de dollars en 2023 selon Interpol. Cette augmentation de 13% par rapport à 2022 reflète la professionnalisation croissante des groupes cybercriminels et l’efficacité de leurs modèles économiques.

Le phishing représente une menace omniprésente, avec le Sénégal figurant parmi les dix pays les plus exposés en Afrique. Cette position critique s’explique par plusieurs facteurs : la digitalisation rapide des services sans sensibilisation proportionnelle des utilisateurs, la prolifération des plateformes de communication numériques, et l’exploitation des vulnérabilités linguistiques et culturelles par les cybercriminels. Les campagnes de phishing ciblent particulièrement les utilisateurs de services bancaires mobiles et les employés d’institutions publiques.

L’émergence de l’intelligence artificielle dans l’arsenal des cybercriminels constitue une évolution préoccupante. Les outils comme les deepfakes sont désormais utilisés pour tromper les victimes, rendant les menaces encore plus difficiles à détecter par les systèmes de sécurité traditionnels et par les utilisateurs finaux. Cette sophistication technologique exige une adaptation constante des défenses cybernétiques et une formation continue des professionnels de la sécurité.

Impact Économique et Social des Cyberattaques

L’impact économique des cyberattaques au Sénégal s’inscrit dans une tendance continentale alarmante. Selon le rapport Interpol 2025, les incidents de cybersécurité en Afrique ont entraîné des pertes financières estimées à plus de 3 milliards de dollars entre 2019 et 2025. Cette progression exponentielle, illustrée par une croissance de 3000% des notices d’arnaques dans certains pays africains, démontre l’urgence d’une réponse coordonnée et professionnelle.

Au-delà des pertes financières directes, les cyberattaques génèrent des coûts indirects considérables : interruptions d’activité, perte de confiance des clients, coûts de remédiation et de reconstruction des systèmes, sanctions réglementaires, et dégradation de l’image institutionnelle. L’attaque contre la DGID illustre parfaitement ces externalités négatives, avec des répercussions sur l’ensemble de l’écosystème économique national dépendant des services fiscaux.

L’impact social des cyberattaques se manifeste particulièrement dans l’érosion de la confiance numérique, facteur critique pour l’adoption des services digitaux. La sextorsion numérique connaît une hausse substantielle selon 60% des partenaires africains d’Interpol, créant des traumatismes individuels et collectifs qui freinent l’inclusion numérique. Cette dimension psychosociale des cyberattaques nécessite une prise en compte spécifique dans les politiques publiques de cybersécurité.

Cadre Juridique et Institutionnel de la Cybersécurité

Architecture Légale Sénégalaise : Pionnière mais Perfectible

Le Sénégal dispose d’un cadre juridique relativement avancé en matière de cybersécurité, fruit d’une approche proactive initiée dès 2008. La loi n° 2008-11 du 25 janvier 2008 sur la cybercriminalité constitue le socle normatif de la lutte contre les infractions numériques, créant des infractions spécifiques aux TIC et étendant les pouvoirs d’investigation des autorités judiciaires. Cette législation pionnière a défini les contours juridiques des atteintes aux systèmes informatiques, aux données numériques, et a consacré la responsabilité pénale des personnes morales.

La réforme de 2016, matérialisée par les lois n° 2016-29 et 2016-30 du 8 novembre 2016, a modernisé significativement l’arsenal juridique en introduisant de nouvelles infractions adaptées aux évolutions technologiques : cyberterrorisme, usurpation d’identité numérique, copiage frauduleux de données, et captation frauduleuse de l’image des personnes. Cette mise à jour témoigne de la capacité d’adaptation du législateur sénégalais face aux mutations du paysage cyber.

L’application judiciaire de ce dispositif juridique révèle une appropriation progressive par les juridictions, avec près de 200 décisions rendues. La jurisprudence sénégalaise a contribué à préciser des concepts fondamentaux : la notion de système informatique dans l’affaire WARI du Tribunal de Grande Instance de Dakar, la définition de l’accès frauduleux par la Cour d’Appel de Dakar, et les contours de la publicité en ligne. Cette construction jurisprudentielle enrichit la sécurité juridique du secteur numérique.

Stratégie Nationale de Cybersécurité 2022 : Ambitions et Réalités

La Stratégie Nationale de Cybersécurité 2022 (SNC2022) traduit la vision gouvernementale d’un “cyberespace de confiance, sécurisé et résilient pour tous à l’horizon 2022”. Cette stratégie articule cinq objectifs stratégiques majeurs : renforcement du cadre juridique et institutionnel, protection des infrastructures critiques, développement des compétences nationales, sensibilisation et éducation, et participation aux efforts régionaux et internationaux.

L’architecture institutionnelle prévue par la SNC2022 comprend la mise en place d’une structure nationale de cybersécurité, l’établissement d’un CERT/CSIRT national, et la création d’un centre de commandement et de contrôle pour la cyberdéfense. Cette approche systémique vise à corriger la fragmentation institutionnelle identifiée comme un facteur de vulnérabilité majeur. Cependant, l’implémentation de cette stratégie révèle des lacunes significatives, notamment concernant l’opérationnalisation du CERT-SN qui demeure partiellement fonctionnel.

La gouvernance de la cybersécurité sénégalaise s’appuie sur plusieurs entités spécialisées : la Division Spéciale de Cybersécurité (DSC) issue de l’ancienne Brigade spéciale de lutte contre la cybercriminalité, la Section Recherche de la Gendarmerie à compétence nationale, et les structures universitaires comme le CSIRT interuniversitaire. Cette multiplication d’acteurs, bien qu’enrichissant l’écosystème, nécessite une coordination renforcée pour éviter les doublons et optimiser l’efficacité opérationnelle.

Cadre Régional et International : Intégration Progressive

Au niveau continental, la Convention de l’Union Africaine sur la cybersécurité et la protection des données personnelles, adoptée en 2014 et entrée en vigueur en 2023, constitue le cadre normatif de référence. Cette “Convention de Malabo” vise à harmoniser les approches africaines en matière de cybersécurité et de protection des données, mais sa ratification par seulement 16 États limite son impact opérationnel.

L’engagement du Sénégal dans les initiatives régionales se manifeste à travers sa participation au Réseau Africain des Autorités de Protection des Données Personnelles (NADPA-RAPDP) et aux programmes de l’Union Africaine en matière de cybersécurité. Le pays contribue également aux efforts de la CEDEAO pour l’harmonisation des législations sous-régionales, bien que des disparités persistent entre les États membres.

La coopération internationale s’articule autour de partenariats stratégiques, notamment avec la France à travers l’École Nationale de Cybersécurité à Vocation Régionale. Cette institution, inaugurée en 2018, vise à renforcer “les capacités des États africains à exercer leur souveraineté sur le cyber-espace” et constitue un pôle d’excellence unique sur le continent. Les partenariats avec des entreprises internationales comme Kaspersky à travers l’alliance avec Smart Africa complètent l’écosystème de coopération technique et opérationnelle.

Défis Structurels et Opérationnels

Déficits Institutionnels et de Gouvernance

L’analyse de l’écosystème cybersécuritaire sénégalais révèle des défaillances structurelles majeures qui compromettent l’efficacité de la réponse nationale aux cybermenaces. Le manque de coordination entre entités comme Sénégal Numérique, la Direction de la Cybersécurité et de la Sécurité des Systèmes d’Information (DCSSI), et les Forces de Défense et de Sécurité limite l’efficacité des initiatives. Cette fragmentation institutionnelle se traduit par des redondances d’efforts, des lacunes de couverture, et une sous-optimisation des ressources disponibles.

Le CERT-SN, bien qu’officiellement établi sous la tutelle de la Direction des Systèmes d’Information, n’est pas pleinement opérationnel selon les analyses d’experts. Cette défaillance critique prive le Sénégal d’une capacité essentielle de détection, d’analyse et de réponse aux incidents cybernétiques. La surveillance proactive des menaces, la gestion coordonnée des incidents, et la publication d’alertes dans le cadre d’une veille active demeurent insuffisamment développées.

L’insuffisance des budgets alloués à la cybersécurité ne reflète pas encore son importance stratégique, malgré l’ampleur des menaces documentées. Cette sous-capitalisation budgétaire se répercute sur l’acquisition d’équipements spécialisés, le recrutement d’experts qualifiés, et le déploiement de solutions technologiques avancées. Le contraste entre les investissements publics en cybersécurité et l’ampleur des pertes économiques liées aux cyberattaques révèle un déséquilibre stratégique préoccupant.

Pénurie de Compétences et Défis de Formation

L’un des défis les plus critiques de la cybersécurité au Sénégal réside dans le déficit de compétences spécialisées. L’Afrique connaît une pénurie de 23% dans la main-d’œuvre cyber, soit 68,000 postes non pourvus, représentant un frein majeur à la résilience numérique du continent. Cette situation s’explique par plusieurs facteurs : formation inadéquate des professionnels, faible attractivité salariale du secteur public, exode des talents vers les marchés internationaux, et manque de programmes de formation continue.

La licence de Cyberecurité de l’UNCHK, L’École Nationale de Cybersécurité à Vocation Régionale, Colombe Academy of Technologie, constituent une réponse institutionnelle à cette pénurie, mais son impact demeure limité par sa capacité d’accueil et sa nouveauté. Les initiatives privées, comme le Bachelor Cybersécurité du Groupe ISM et les programmes de formation de l’École Supérieure Polytechnique, complètent l’offre de formation mais peinent à répondre à l’ampleur des besoins. La sensibilisation générale des utilisateurs face à la cybercriminalité demeure insuffisante, créant des vulnérabilités humaines exploitables par les cybercriminels.

La formation des décideurs et des cadres dirigeants constitue un enjeu particulier, car les campagnes de sensibilisation doivent “souligner l’importance des bonnes pratiques numériques” et “inclure des formations ciblées sur la reconnaissance et la prévention des cybermenaces”. L’intégration de la cybersécurité dans les curricula scolaires et les programmes de formation professionnelle représente un investissement à long terme essentiel pour la culture sécuritaire nationale.

Vulnérabilités Technologiques et Infrastructurelles

Les infrastructures numériques sénégalaises présentent des vulnérabilités technologiques significatives qui facilitent les cyberattaques. Dans de nombreux secteurs, les systèmes critiques reposent sur des technologies obsolètes qui deviennent des cibles faciles pour les hackers. La modernisation de ces infrastructures est indispensable pour assurer une protection adéquate, mais nécessite des investissements considérables et une planification stratégique à long terme.

La dépendance aux solutions technologiques étrangères soulève des questions de souveraineté numérique. La majorité des données africaines sont stockées sur des serveurs étrangers, exposant le continent à des risques de surveillance ou d’ingérence. La mise en place de centres de données locaux constitue une étape cruciale pour assurer l’indépendance numérique, mais reste coûteuse et techniquement complexe pour de nombreux pays africains.

L’absence de protocoles de cybersécurité robustes dans près de 90% des entreprises africaines révèle un manque généralisé de préparation face aux cybermenaces. Cette vulnérabilité structurelle se manifeste par l’absence de systèmes de sauvegarde adéquats, de plans de continuité d’activité, de procédures de réponse aux incidents, et de formations régulières du personnel. Les cybercriminels exploitent systématiquement ces failles pour maximiser l’impact de leurs attaques.

Recommandations et Perspectives d’Amélioration

Renforcement de la Gouvernance et de la Coordination Institutionnelle

La consolidation de l’architecture institutionnelle de cybersécurité constitue une priorité absolue pour le Sénégal. La mise en place effective d’une structure nationale de cybersécurité, prévue par la SNC2022, doit s’accompagner de mécanismes de coordination clairs entre toutes les entités concernées. Cette structure pourrait s’inspirer du modèle du Security Operations Center (SOC) gouvernemental, permettant une surveillance en temps réel des menaces et une réponse coordonnée aux incidents.

L’opérationnalisation complète du CERT-SN représente un enjeu critique nécessitant un investissement technique et humain significatif. Ce centre devrait développer ses capacités de surveillance proactive, d’analyse des menaces, de réponse aux incidents, et de coordination avec les CERT régionaux et internationaux. L’intégration dans le réseau AfricaCERT renforcerait les capacités nationales par le partage d’informations et l’entraide technique.

La création d’un comité de coordination et de collaboration de la cybersécurité à l’échelle continentale, sous l’égide de l’Union Africaine, pourrait amplifier les efforts nationaux par une approche régionale harmonisée. Le Sénégal pourrait jouer un rôle de leadership dans cette initiative, capitalisant sur son expérience juridique et institutionnelle pour inspirer d’autres pays africains.

Développement des Compétences et Renforcement des Capacités

La résolution de la pénurie de compétences en cybersécurité nécessite une approche multidimensionnelle combinant formation initiale, formation continue, et attraction de talents. L’expansion des programmes de l’École Nationale de Cybersécurité à Vocation Régionale pourrait inclure des formations courtes pour les professionnels en activité, des certifications spécialisées, et des programmes d’échange avec des institutions internationales de référence.

Le développement de partenariats public-privé pour la formation pourrait mobiliser l’expertise des entreprises spécialisées tout en répondant aux besoins spécifiques du marché. L’initiative de partenariat entre Kaspersky et Smart Africa, focalisée sur le développement de compétences essentielles et le renforcement de l’autonomie des femmes dans les domaines STIM, illustre le potentiel de ces collaborations stratégiques.

L’intégration de la cybersécurité dans les curricula scolaires et universitaires représente un investissement structurel pour la culture sécuritaire nationale. Cette démarche devrait s’accompagner de campagnes nationales de sensibilisation utilisant les médias traditionnels et numériques pour toucher l’ensemble de la population, des décideurs aux citoyens ordinaires.

Modernisation Technologique et Souveraineté Numérique

La modernisation des infrastructures critiques constitue un prérequis indispensable pour la sécurisation du cyberespace sénégalais. Cette modernisation doit intégrer des solutions conformes aux normes internationales, des technologies avancées comme l’intelligence artificielle pour la détection des menaces, et des architectures de sécurité résilientes. L’approche “Security by Design” devrait être systématiquement appliquée aux nouveaux projets d’infrastructure numérique.

Le développement de centres de données souverains et de capacités cloud nationales réduirait la dépendance aux solutions étrangères tout en améliorant le contrôle des données sensibles. Cette infrastructure souveraine pourrait être développée en partenariat avec des acteurs privés nationaux et régionaux, créant un écosystème numérique africain intégré et sécurisé.

L’implémentation de solutions avancées de cybersécurité, telles que les systèmes de détection basés sur l’intelligence artificielle, la cryptographie avancée, et les plateformes de gestion intégrée des incidents renforcerait la posture cybernétique des organisations sénégalaises et africaines. Par ailleurs, le développement et la promotion des solutions technologiques locales contribueraient à accroître la résilience face aux menaces spécifiques à la région, tout en favorisant le développement économique.

Renforcement du Cadre Juridique et de la Réglementation

Il est essentiel d’adapter en continu le cadre juridique sénégalais pour répondre aux évolutions rapides des technologies numériques et des méthodes d’attaque. Le Sénégal pourrait s’inspirer des meilleures pratiques internationales et travailler à l’harmonisation régionale des normes, notamment avec les États membres de la CEDEAO et de l’Union Africaine. Le renforcement des sanctions judiciaires, la facilitation de la coopération transfrontalière en matière d’enquêtes cybercriminelles, et l’amélioration des capacités des magistrats sont des axes prioritaires.

Le renforcement des autorités nationales de protection des données et de la vie privée est également indispensable. La Commission de Protection des Données Personnelles (CDP) doit disposer de ressources suffisantes pour exercer ses missions de contrôle et de sensibilisation. La mise en œuvre effective du Règlement général sur la protection des données (RGPD) à l’échelle africaine, grâce à la Convention de Malabo, constitue un levier fondamental pour la confiance numérique.

Thanks for reading !
Sources